Derrière la fenêtre, de l'autre côté de la rue, pas loin, à quelques mètres. Elles sont là.
L'avantage d'avoir un balcon c'est de pouvoir faire pousser des plantes et s'offrir un petit écrin de verdure dans la grisaille parisienne. Et puis réussir à faire pousser des plantes, c'est déjà ça...
L'inconvénient d'avoir un balcon, dans une petite rue, avec un vis à vis assez proche, c'est qu'on plonge involontairement chez les autres lors d'une séance d'arrosage ou en fumant une clope. On essaie de détourner le regard, mais c'est difficile de ne pas les voir : les familles, les mères, les enfants qui grandissent. Ca vit, ça court, ca crie.
Il y a ce couple au 3ème qui vient d'emménager avec 3 petits. Quelle organisation...
Tiens, le petit garçon de l'étage d'en dessous marche. Je me souviens de lui quand il était encore tout bébé. Tiens la maman attend le 2ème on dirait...
Et l'appartement du 1er étage de l'immeuble d'à côté qui était vide encore l'hiver dernier, puis en travaux ... J'ai vu y arriver un jeune couple au début de l'année. Et hier, je l'ai vue elle à
sa fenêtre en train de planter des bruyères. Son ventre est rond, bien rond. J'ai senti mon coeur et ma gorge se nouer.
"C'est leur vie, pas la nôtre" me dit chéri.
Tu m'étonnes ... nôtre vie n'est pas comme la leur. Le bonheur ne traverse jamais la rue.
Ca fait 3 ans que nous habitons ce 3 pièces. Nous avons une chambre d'enfant qui est dévastée habitée 1 semaine sur 2. Notre chambre à coucher est grande et j'ai toujours pensé qu'on pourrait sans problème y aménager un coin bébé.
Le coin en question est toujours occupé par un bureau et un divan. Sous le divan se trouve la boîte dans laquelle j'ai caché les quelques achats honteux compulsifs : petites chaussettes, petit gilet, petite peluche.
Envie de fermer les rideaux, de laisser les plantes crever.
Envie de déménager, au dernier étage, sans vis à vis.
Ca fait encore mal...
Bravo Dame Nature, encore une fois tu m'as eue.
Tu as eu les médecins aussi. Même dans un tube mes ovules et ses spermatozoïdes, ces petites cellules d'amour, se font la gueule.
Je me demande ce que tu me réserves pour la suite.
J'attends. Pour changer.
collage © Maia Flore
www.maiaflore.com
Et oui la vie parfois c'est vraiment de la merde. Depuis 4 ans ça a tendance à se répéter un peut trop à mon goût.
Heureusement il y a des gens comme vous qui permettent de supporter un peu mieux ces moments incroyables et je vous dis un grand merci à toutes d'avoir pris quelques minutes pour m'envoyer à chaque fois quelques lignes réconfortantes. C'est précieux.
Je suis encore sonnée, sous le choc.
Chaque matin en me réveillant, je me pince pour voir si c'est la réalité ou juste un mauvais rêve. Mon esprit n'accepte pas ce "4% de chances que ça arrive",ce "rien".
Je visualise mon patrimoine de gamètes comme des cohortes d'ovules en acier blindé inoxydable*, ou des perles de verres transparentes et vides, des pois-chiches, du tapioca , des m&m's ... Une imposture en fait.
Je guette chaque matin au courrier l'arrivée des ordonnances qui permettront d'explorer ma constitution génétique. Où est l'erreur?
Je googeulise frénétiquement : "échec total de fécondation FIV avec 7 ovocytes", " FIV sans transfert", "anomalie chromosomique ovocytaire", " mauvaise interaction gamétique"... Je lis tout et son contraire. Il ya les échecs de fécondation en FIV qui ont ensuite donné moultes embryons à la FIV d'après ou en FIV ICSI. Il y aussi les cas où ça n'a fait qu'empirer : l'échec de fécodation en FIV s'est répété en ICSI ou bien les quelques embryons obtenus étaient tellement mauvais qu'ils n'ont pas survécu. Il y a aussi celles qui sont dans ce cas alors qu'elles ont eu un enfant naturellement avant, ou celles qui tombent enceinte naturellement une fois qu'elles ont tout arrêté... Bref, ce que je retiens surtout c'est que c'est surtout "pas d'chance" une fois de plus. De quoi devenir dingue.
Quand je pense que je me suis farcie Solenn pendant toutes mes vacances: "c'est maaaagnifique, aaaaaaaagréable", "prenez un instant pour penser à ce que vous aimeriez dire à vôôôôôtre futur
eeeeenfant",
"visualisez votre ventre qui va accueillir des embryons de bonne qualité".
Ta gueule Solenn. La lumière dorée n'a jamais atteint mes ovaires. Je voulais te le dire.
J'ai besoin d'avancer, vite.
Et si vous avez des méthodes pour forcer son esprit à arrêter d'envisager le pire. je prends.
* l'image qui me vient à l'esprit en fait c'est celles des "gluons" dans Téléchat, ça parlera aux vieilles comme moi qui étaient enfants dans les années 80
pour beaucoup de gens oui. La valse des naissances a repris, une deux trois, "félicitations", une deux trois, "une fille? Génial !" une deux trois, "il pèse 3,2kg il est parfait"...
Sur la toile aussi parmi les blogs les bonnes nouvelles se multiplient. Je suis contente pour toutes celles qui en ont tant bavé et méritent mille fois leur maternité. Mais forcément je me sens aussi jalouse...
La Pause ça permet de se reposer c'est certain, la vie sans piqures, sans contraintes horaires ni départs gênés du bureau a du bon.
Mais je n'en peux plus de voir les autres avancer, de me dire à chaque fois "me concernant ça n'a pas bougé d'un iota depuis 1 an, 2 ans, 3 ans et même un peu plus. Eux sont là avec leur(s) bébé(s) dans les bras, fiers et souriants.
Moi je poursuis ma descente. Je m'enlise. Vais-je bientôt disparaître?
© Margaux Motin / http://margauxmotin.typepad.fr/
Jeudi à eu lieu notre 5ème IAC (je ne supporte plus ces 3 lettres, je les trouve ridicules), et j'ai eu droit à une séance expresse de psychothérapie par Dr BB pendant le geste (du coup j'ai rien senti, je me suis à peine rendue compte que c'était déjà fini puisqu'on discutait en même temps)
Conclusion: elle ne veut plus me voir avant l'automne, le temps que je me refasse une santé physique et mentale. Je suis trop déprimée pour poursuivre selon elle.
" Arrêtez de vous focaliser sur l'enfant, prenez du temps pour faire des choses qui vous font plaisir, qui vous font du bien... Retournez voir un psy" qu'elle m'a dit. Oui je n'ai qu'à faire ça, oublier que je veux un enfant, oublier que je suis stérile. Faire comme si de rien était alors que j'évolue les 3/4 de ma vie au sein d'une entreprises de parturientes en puissance. Oublier que mon mec a déjà eu un enfant avec une autre femme, j'ai qu'à me mettre la tête dans le sable une semaine sur deux! Oublier, aller faire du shopping, refaire du sport, profiter de la vie! J'ai qu'à faire un effort.
Elle a raison bien sûr et c'est par souci de mon bien-être. Force est de constater que je ne réunis pas les conditions psychiques requises pour faire face à la PMA et aux échecs successifs.
Double sentiment d'incapacité : incapacité d'être mère + incapacité d'assumer les traitements pour tenter de le devenir.
Cette décision de faire une pause nous l'avions prise déjà et j'en ai parlé dans mon précédent post, mais de l'entendre de la bouche de son propre médecin cela tombe comme un couperet. Je me sens un peu comme "abandonnée"...
La pause va donc être plus longue que prévue, le prochain rendez-vous est décalé à début juillet et les traitements ne reprendront qu'en septembre au plus tôt.
C'est long, c'est loin, et la perspective de passer encore un été le ventre vide me plonge dans une tristesse que j'ai du mal à qualifier. Il fait beau, les bourgeons apparaissent sur les branches d'arbres, les terrasses se remplissent et une certaine douceur de vivre envahit l'air... et franchement ça me saoûle.
Je dis toujours que ça ira mieux demain ou bientôt, que ce n'est qu'un mauvais moment à passer, mais là je ne sais plus.
Et ouais, encore raté.
Encore pas l'occasion de faire la prise de sang, à J12 post insémination c'était fini, comme d'habitude. Pourtant que j'aimerais la vivre cette prise de sang, vivre le suspens, rêver un peu...
Et ce mois ci on fête nos 3 ans d'essais avec zéro accroche. Bon anniversaire mon amour!
Alors puisqu'on nous le demande et bien on enchaîne, allez plus que deux et hop en FIV. Faut plus que ça traîne car je vais finir en HP, plus le temps passe plus je me sens comme un monstre, quand je me regarde dans la glace je ne vois plus une potentielle maman, je trouve juste que j'ai la gueule de l'échec. Grosse grosse fatigue morale là...
Un entretien pour un nouveau poste : bilan mitigé. L'impression en sortant de ne pas convenir du tout pour le poste. L'impression une fois de plus que mon air juvénile et ma voix fluette m'ont bien handicapée.
Un test de grossesse négatif ce matin. le 10ème. J'avais envie de savoir, trop dur d'attendre jusqu'à mercredi. Trop dur de faire les montagnes russes.
Je sais bien que je ne devrais pas me plaindre car je ne suis qu'au début du chemin, 3 inséminations c'est rien au regard des parcours de certaines d'entre vous.
Mais ce matin une grosse lassitude qui s'installe. Et le sentiment d'être inapte à tout. Un avenir professionnel avec un poste a responsabilité, un avenir familial avec des enfants... tout ça n'est pas pour moi. Je ne suis qu'une petite fille.
Une dame avec qui j'avais de si jolis souvenirs d'enfance est partie vendredi. Tout à l'heure je vais lui dire un dernier au revoir. Jamais elle ne m'aura vue maman. J'ai la gorge serrée car le temps passe, et j'ai peur , tellement peur que tous les gens que j'aime partent les uns après les autres sans que je puisse partager un jour le bonheur d'être maman et la joie de regarder grandir mon enfant.
Je pense bien sûr à mes parents, ils jouent et joueront avec les enfants de mon frère. Mais les miens? Rien n'est moins sûr. Ils vieillissent. Je les regarde parler de leur petit fils et des deux à venir avec émotion. C'est touchant mais ça me fait du mal.
J'ai envie de pleurer.
Ca ira mieux demain n'est ce pas...
Pour la première fois depuis 3 ans j'ai eu 5 jours de retard. Incroyable. J'ai passé quelques bons moments à m'autoriser à croire que la roue avait enfin tourné, que je m'étais détendue et que donc ça avait marché (ha ha ha!).
Oui mais non. Elles sont arrivées, pendant un vernissage dans un grand musée parisien. La classe non?
J'ai l'impression qu'un tracteur m'a roulé dessus et d'être oubliée au bord de la route. Once again.
Cette semaine reprendra la valse des piqures. Envie d'enchaîner vite fait bien fait les IAC qui me restent , tellement je crois peu en cette technique, tellement j'ai envie qu'on m'ouvre le bide ou qu'on me ponctionne pour en avoir le coeur net sur l'intérieur de mes ovaires et la qualité des gamètes. Tellement je n'ai plus confiance en ce corps qui me trahit inlassablement mois après mois, tellement je ne supporte plus d'échouer là ou la première compagne de mon homme a réussi, sans peine, facilement, naturellement.
Ma mère s'inquiète de me voir aller en FIV, l'autre jour elle m'a dit "arrange toi quand même pour ne pas terminer en FIV" . Excellent non? J'ai répondu qu' en effet je vais "me concentrer bien fort" pour tomber enceinte avant que ça arrive, mais avant je vais quand même me faire encore quelques petites inséminations, c'est trop bon !
Trouver le courage de quitter mon boulot. Ne plus être celle qui n'y arrive pas et que l'on doit prévenir dans la cuisine discrètement avant l'annonce officielle :
- "Waiting Line je peux te voir deux secondes...?"
- Euh ouais... bien sûr
- "Bon je voulais te dire... enfin tu sais quoi.... bon ben je suis enceinte quoi"
- Ah d'accord. Félicitations tu dois être aux anges. Excuse moi mais là j'ai une ligne en attente.
Ne plus vivre ça, plus jamais. Des filles à qui je n'ai jamais parlé de ma stérilité et qui en fait sont au courant, non seulement que ça ne marche pas naturellement, mais aussi que mes traitements échouent. Susciter la gêne, la peur, une bienveillance teintée de pitié . Ne plus jamais vivre ça.
Sinon sachez que la série 'neuf mois' du prochain numéro du très qualitatif et intelligent magazine féminin CAUSETTE sera consacré à l'infertilité.
Est-ce que cette fille appelle son centre AMP pour les prévenir de son J1...?
2009
Mars : on va avoir un bébé, normalement, naturellement évidemment. L'homme a déjà un petit.
Septembre : premiers doutes et début des examens pour moi: Dosages hormonaux, échographies,
hystérographie...tout est normal. On attend.
2010
Juillet : Monsieur se décide à faire son spermogramme > 8% de typiques. On flippe un peu.
2011
janvier : nouveau spermogramme: 15 % de typiques. Finalement on est quasi dans la norme. On nous classe dans
la catégorie "infertilité idiopathique". Rien ne nous empêche de concevoir paraît-il...Ca peut marcher naturellement ou pas, ou maintenant ou dans 10 ans... On est
désorientés.
février : IAC 1 , réalisée dans un cabinet privé - négative. Découverte d'un polype lors d'une des échographies de monitoring.
Mai : hystéroscopie sous AG pour enlever le polype. En fait il n'y avait pas de polype. Qu'ils sont drôles ces échographes!
septembre : RDV centre AMP - IMM- En route pour la suite des IAC. On y croit.
novembre : IAC 2- négative. On s'accroche on continue.
2012
janvier : IAC 3 - négative. On doute.
février : IAC 4 - négative. On est découragés.
mars : IAC 5 - négative, bien sûr. On n'en peut plus.
avril : L'hypothèse du "pas de chance / idiopathique" me déprime et m'agace au plus haut point. Pause de quelques mois pour cause de grosse fatigue morale et physique. Consultation auprès d'un nouveau gynéco pour un second avis. On est très fatigués.
juillet: Changement de centre. Nouveau départ. Nouvel espoir.
septembre : FIV 1 - 13 ovocytes
- 0 embryon -ca s'appelle un " Echec total de fécondation".On est anéantis.
Dépression.
octobre : Caryotypes et X fragile OK.
novembre : Hystéroscopie : ablation de 3 polypes.
2013
février : FIV ICSI 1 bis. 1 embryon transféré. 5 sur la banquise.